Le vendeur d'un immeuble en l'état futur d'achèvement est on le sait, légalement tenu de la garantie décennale du constructeur. En revanche le régime des non-conformités et des désordres intermédiaires est plus complexe.
En l'absence de désordres, le vendeur n'est responsable à l'égard du syndicat des copropriétaires des non-conformités aux documents contractuels que si ceux-ci ont été rendus opposables au syndicat. Quant aux désordres intermédiaires (dont les désordres esthétiques), le syndicat doit depuis l'arrêt de la Cour de cassation du 4 juin 2009 (JurisData : 2009-048516) prouver la faute du promoteur.
La troisième chambre civile de la Cour de cassation dans un important arrêt en date du 8 septembre 2010 (JurisData : 2010-0160050) rendu en chambre de section et publié au Bulletin, nous permet de faire le point sur la responsabilité du vendeur d'un immeuble à construire à l'égard du syndicat des copropriétaires selon le type de désordres affectant les parties communes.
A cette occasion la Cour de cassation a également validé la responsabilité du syndic dans le cadre de ses obligations d'information et de conseil vis-à-vis des copropriétaires quant aux mesures à prendre pour vérifier l'existence de non-conformités.
1/ Non-conformité contractuelle et responsabilité du promoteur à l'égard du syndicat.
Les tribunaux sont hésitants sur la possibilité pour les syndicats des copropriétaires d'opposer aux promoteurs les notices descriptives joints aux actes de ventes des copropriétaires, pour sanctionner des non-conformités. Récemment la Cour d'appel de Paris a par exemple estimé que la non-conformité des garde-corps et barres d'appui, par rapport à la notice descriptive jointe aux contrats de vente, engage de plein droit la responsabilité contractuelle du vendeur d'immeuble à construire pour manquement à son obligation de délivrance à l'égard des acquéreurs regroupés en syndicat (Paris Chambre 19, Section A 11 mars 2009 JurisData 2009-376319).
La Cour de cassation dans son arrêt du 8 septembre 2010 impose quant elle de vérifier que les documents contractuels ont été repris dans le règlement de copropriété pour être opposés au promoteur par le syndicat des copropriétaires.
En l'espèce la décision de condamnation du promoteur-vendeur a indemniser le syndicat du préjudice résultant d'une insuffisance d'épaisseur des dalles de béton, en l'absence de tout désordre dû à cette non-conformité, est légalement justifiée.
Pour condamner le promoteur les juges du fond ont constaté que le règlement de copropriété fait référence à une notice descriptive des travaux. Cette notice existait en deux versions : l'une prévoyant que l'épaisseur des dalles planchers en béton est de 0,22 mètre, l'autre de 0,18 mètre. Devant cette contradiction les juges ont interprété la convention en faveur du syndicat et retenu que l'épaisseur contractuelle est de 0,22 mètre. Le promoteur ayant fait réaliser une dalle de 0,18 mètre, ce qui n'était pas apparent, il engage sa responsabilité contractuelle à l'égard du syndicat pour avoir modifié son projet initial indépendamment de tout désordre (y compris acoustique).
Le promoteur a ainsi été lourdement sanctionné et a dû payer au syndicat un montant équivalent à l'économie réalisé par lui dans les travaux, soit la différence entre les deux épaisseurs de dalles.
En revanche, les juges écartent la responsabilité du promoteur pour la non-conformité des dallages et du cuvelage en sous sols ainsi que du réseau de drainage, au motif que les documents contractuels à l'égard du syndicat n'y faisaient pas mention.
2/ Désordres intermédiaires et faute du vendeur
La Cour de cassation dans son arrêt du 4 juin 2009 a opéré un important revirement en revenant sur la présomption de responsabilité pesant sur le vendeur en l'état futur d'achèvement. Jusqu'à cet arrêt les juges avaient l'habitude de rappeler que le promoteur-vendeur d'un immeuble en l'état futur d'achèvement, était tenu d'une obligation de résultat, et devait remettre aux acquéreurs un bien exempt de vices.
Désormais, il est, comme les constructeurs, tenu, à l'égard des propriétaires successifs de l'immeuble, d'une responsabilité pour faute prouvée en ce qui concerne les désordres intermédiaires.
L'arrêt du 8 septembre 2010 confirme cette nouvelle jurisprudence et en donne des illustrations pratiques.
Des salissures sont apparues sur les façades de l'immeuble, en raison de l'absence de couvertines (chaperon de finition protégeant les murs). Ces convertines étaient prévues dans le DTU et le CCTP mais ne figuraient pas dans la notice descriptive.
Les juges du fond, confirmés par la Cour de cassation, ont considéré que le syndicat ne peut se prévaloir d'une non-conformité, puisque la mise en place de couvertines ne figure pas dans la notice descriptive, seule évoquée dans le règlement de copropriété. Le syndicat ne peut donc agir sur un fondement contractuel.
S'agissant d'un exclusivement esthétique, et aucune faute n'étant imputable au promoteur, sa responsabilité de droit commune ne peut être engagée.
De même, des défauts d'étanchéité des dalles de balcons et loggias qui ont pour seule conséquence des désordres esthétiques, n'engagent pas la responsabilité de droit commun du promoteur si aucune faute à son encontre n'est prouvée.
3/ L'incidence de la participation du syndic à la réception des travaux
Il est fréquemment confondu la "réception" des ouvrages construits, et la prise de possession des parties privatives et communes.
La réception, que ce soit pour les parties communes ou pour les parties privatives, point de départ des garanties légales, ne relève ni du syndic ni des copropriétaires, mais du seul promoteur, qui a passé les marchés de construction avec les entreprises. Ensuite, le promoteur "livre" les parties privatives - et les parties communes aux acquéreurs, et il livre également les parties communes au syndicat des copropriétaires, donc au syndic. Cela peut d'ailleurs être à lui-même s'il s'est adjugé la fonction de syndic provisoire. Cette livraison a seulement pour effet de transférer la responsabilité concernant la garde et l'entretien : le syndicat des copropriétaires n'étant pas partie aux contrats de vente n'a aucun titre pour bénéficier de la garantie des vices apparents.
En pratique, le syndic est souvent appeler à signer un document intitulé « procès-verbal de réception des parties communes » et a formuler des réserves. Si le syndic omet de réserver des désordres ou non-conformités apparents, la tentation est grande de déchoir le syndicat de ses garanties.
Dans sa décision du 8 septembre 2010 la Cour de cassation recadre les juges du fond tentés par cette décharge de responsabilité du promoteur.
Plus précisément, dans le cas examiné par la haute Cour, la notice descriptive visée dans le règlement de copropriété prévoyait l'application d'un enduit monocouche grésé sur tous les éléments de façades. Cet enduit n'ayant pas été appliqué sur certains éléments, le syndicat s'est prévalu de cette non-conformité avec la notice descriptive (au même titre que l'épaisseur des dalles comme évoqué ci-dessus.
La Cour d'appel de Chambéry a débouté le syndicat au motif que le syndic a participé aux opérations de réception et n'a pas émis de réserves sur ces désordres qui étaient apparents. Le promoteur aurait donc, d'après les juges du fond, était déchargé de sa responsabilité à l'égard du syndicat.
La Cour de cassation censure cette partie de l'arrêt d'appel en rappelant avec force que « la réception des travaux prononcée sans réserve par le vendeur en l'état futur d'achèvement est sans effet sur son obligation de livrer un ouvrage conforme aux stipulations contractuelles et la participation des acquéreurs à cette réception n'a aucun effet juridique ».
La formulation est dénuée de toute ambiguïté et pose clairement, en toute logique, le principe de l'absence d'effet de la réception des parties communes par le syndic sur l'obligation du vendeur en l'état futur d'achèvement de livrer un ouvrage conforme aux stipulations contractuelles.
En revanche les réserves mentionnées sur le procès-verbal, ou dénoncées par le syndic sont importantes pour mettre en œuvre le régime des garanties des vices apparents.
En effet l'alinéa second de l'article 1648 prévoit : « dans le cas prévu à l'article 1642 -1, l'action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices apparents. »
Par un arrêt du 16 décembre 2009, la 3ème Chambre Civile de la Cour de Cassation (Pourvoi n° 08-19.612) a toutefois confirmé l'interprétation déjà admise par la 3ème Chambre Civile dans un arrêt du 15 février 2006 (JurisData 2006-032186), aux termes duquel le vendeur d'immeuble à construire ne peut opposer le fait à l'acquéreur que les vices apparents lui ont été dénoncés postérieurement au mois qui suit la prise de possession : « l'acquéreur est recevable pendant un an à compter de la réception des travaux ou de la prise de possession des ouvrages à intenter contre le vendeur l'action en garantie des vices apparents, même dénoncés postérieurement à l'écoulement du délai d'un mois après la prise de possession. »
Il faut donc retenir que la Cour de Cassation affirme que l'article 1642-1 du Code Civil n'est pas un délai de dénonciation mais un délai d'apparition du vice : les vices doivent être apparus avant l'expiration du délai d'un mois après la prise de possession, mais peuvent être dénoncés postérieurement à ce délai.
Se posera la question de la preuve de l'apparition du vice apparent pendant le mois suivant la prise de possession...
Il est donc important de retenir pour le syndic, si des vices apparents ou des non-conformités existent et ont été dénoncés par lui conformément à ce qui est prévu à l'article 1642-1, et qu'une action en justice soit introduite.
A défaut, il est susceptible d'engager sa responsabilité, comme vient également de le rappeler la Cour de cassation dans l'arrêt que nous commentons.
4/ Sur la responsabilité du syndic provisoire pour ne pas avoir attiré l'attention du syndicat sur l'existence de non-conformités apparentes.
La Cour de cassation confirme la responsabilité du syndic provisoire pour ne pas avoir informé les copropriétaires de l'opportunité de vérifier les façades quant à l'existence de non-conformités. En effet ce même syndic avait préalablement été autorisé dans une autre copropriété à agir en justice à raison de non conformités des façades contre le même promoteur.
Le préjudice résulte de la perte de chance pour le syndicat d'avoir pu dénoncer dans le délai légal les non-conformités et désordres apparents en d'en obtenir réparation de la part du promoteur.