Les syndics et administrateurs provisoires auront bien l'obligation dès le 1er janvier 2017 d'établir, puis de tenir à jour chaque année, une fiche synthétique des copropriétés de plus de 200 lots. En effet le décret d'application de l'article 8-2 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le contenu de cette fiche synthétique, qui est en date du 21 décembre 2016, a été publié au Journal Officiel le 23 décembre 2016.
Il est donc urgent pour les syndics et administrateurs judiciaires de découvrir le contenu de cette fiche synthétique, qui vient rejoindre la liste des documents devant obligatoirement être annexés aux promesses de vente des lots de copropriété.
Dominique Braye, président de l'Agence nationale de l'habitat avait justifié l'instauration d'une telle fiche synthétique dans son rapport rédigé en janvier 2012 par la nécessité de remédier à la mauvaise compréhension du fonctionnement de la copropriété qui serait une des causes du manque d'implication des copropriétaires et un manque de sensibilisation à l'état de la copropriété et à ses points de fragilité.
La loi ALUR en a repris l'idée et attache une importance particulière à l'établissement, la mise à jour et la communication de cette fiche en instaurant des sanctions lourdes à l'encontre des syndics.
I- L'établissement de la fiche synthétique.
A. les copropriétés concernées par cette obligation.
Les dispositions de l'article 8-2 de la loi du 10 juillet 1965 s'appliquent à toutes les copropriétés, à l'exception des immeubles à destination totale autre que d'habitation.
Le texte ne prévoit aucune autre condition liée au nombre de lots ou à l'ancienneté des immeubles. Autrement dit, la fiche synthétique doit obligatoirement être établie dans toutes les copropriétés dès leur naissance, dès lors qu'elles comportent au moins un lot d'habitation. Notons que c'est la destination des lots figurant dans le règlement de copropriété qui doit être prise en compte, et non leur utilisation réelle.
Cette obligation s'applique également à l'immeuble vendu en l'état futur d'achèvement. Il appartiendra alors au promoteur vendeur de transmettre au syndic provisoire les éléments permettant d'établir cette fiche synthétique.
Enfin, la fiche synthétique concerne aussi bien les syndicats principaux que secondaires ou coopératifs.
L'entrée en application est néanmoins progressive : si la fiche synthétique est obligatoire dès le 1er janvier 2017 pour les grandes copropriétés de plus de 200 lots, elle est décalée au 1er janvier 2018 pour celles de 50 lots et au 1er janvier 2019 pour les autres.
B. les personnes chargées de l'établissement de la fiche.
Si la loi du 24 mars 2014 visait le syndic, le décret du 21 décembre 2016 indique que la fiche prévue à l'article 8-2 de la loi du 10 juillet 1965 est établie par le représentant légal de la copropriété. Cela englobe donc nécessairement l'administrateur provisoire, quelles que soient les hypothèses de sa désignation. L'article 2 du décret précise d'ailleurs que la fiche doit mentionner l'identité du syndic ou de l'administrateur provisoire l'ayant établi.
On sait que désormais toutes les tâches effectuées par un syndic qui ne seraient pas comprises dans la liste élaborée par le gouvernement ne pourront être rémunérées à titre particulier. Or, la fiche synthétique ne figure pas sur la liste des prestations particulières pouvant donner lieu au versement d'une rémunération spécifique complémentaire. Le rapport BRAYE précise d'ailleurs que "l'élaboration de cette fiche serait comprise dans les prestations de base du syndic. En effet les syndics disposent d'outils de gestion leur permettant de centraliser l'ensemble des renseignements sur une copropriété donnée".
C. La mise à jour de la fiche.
L'article 1 du décret du 21 décembre 2016 vient préciser le calendrier de la mise à jour de la fiche synthétique de la copropriété. Le syndic ou l'administrateur provisoire devra mettre à jour les données de la copropriété chaque année et dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal de l'assemblée général au cours de laquelle les comptes de l'exercice clos ont été approuvés. Bien entendu, l'existence d'un recours contre la résolution relative à l'approbation des comptes n'aura aucune incidence sur l'obligation d'effectuer la mise à jour de la fiche, sous réserve de la régulariser ultérieurement en cas de décision judiciaire venant annuler cette approbation.
II - Le contenu de la fiche
Le contenu de la fiche synthétique a été précisé par le décret du 21 décembre 2016. On peut classer les informations que doit contenir la fiche en 3 catégories :
A. Données à caractère général.
1° L'identification de la copropriété pour laquelle la fiche est établie :
a) Nom d'usage, s'il y a lieu, et adresse(s) du syndicat de copropriétaires ;
b) Adresse(s) du ou des immeubles (si différente de celle du syndicat) ;
c) Numéro d'immatriculation du syndicat de copropriétaires au registre national des copropriétés et date de dernière mise à jour des données d'immatriculation ;
d) Date d'établissement du règlement de copropriété ;
e) Le cas échéant, numéro identifiant d'établissement (SIRET) du syndicat ;
2° L'identité du syndic ou de l'administrateur provisoire ayant établi la fiche :
a) Nom, prénom et adresse du représentant légal de la copropriété ;
b) Le cas échéant, numéro identifiant d'établissement (SIRET) du représentant légal ;
c) Cadre de son intervention (mandat de syndic ou mission d'administration provisoire) ;
3° L'organisation juridique de la copropriété :
a) S'il y a lieu, nature du syndicat (principal - secondaire/coopératif), résidence-services ;
b) S'il s'agit d'un syndicat secondaire, numéro d'immatriculation au registre national des copropriétés du syndicat principal du syndicat de copropriétaires ;
B. Données financières
a) En cas de premier exercice comptable (comptes non encore approuvés en assemblée générale) : dates de début et de fin de l'exercice comptable ;
b) En cas d'exercice comptable clos dont les comptes ont été approuvés par l'assemblée générale :
- dates de début et de fin de l'exercice et date de l'assemblée générale ayant approuvé les comptes ;
- montant des charges pour opérations courantes ;
- montant des charges pour travaux et opérations exceptionnelles ;
- montant des dettes fournisseurs, rémunérations et autres ;
- montant des impayés et nombre de copropriétaires débiteurs du syndicat dont la dette excède le seuil fixé par l'arrêté du ministre chargé du logement mentionné à l'article R. 711-9 du code de la construction et de l'habitation (actuellement 300 €, selon l'arrêté du 10 octobre 2016). Toutefois, les copropriétés de moins de 10 lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces, dont le budget prévisionnel moyen sur une période de 3 exercices consécutifs est inférieur à 15.000 €, sont dispensées de fournir ces informations.
- montant du fonds de travaux ;
c) Présence de personnel(s) employé(s) par le syndicat de copropriétaires.
C. Données techniques
a) Nombre total de lots inscrit dans le règlement de copropriété ;
b) Nombre total de lots à usage d'habitation, de commerces et de bureaux inscrit dans le règlement de copropriété ;
c) Nombre de bâtiments ;
d) Période de construction des bâtiments ;
5° Les équipements de la copropriété :
a) Type de chauffage et, pour un chauffage collectif (partiel ou total) non urbain : type d'énergie utilisée ;
b) Nombre d'ascenseurs
III - La communication de la fiche
Le syndic, ou l'administrateur provisoire, a non seulement l'obligation d'établir et de tenir à jour la fiche synthétique, mais aussi de la communiquer à tout copropriétaire qui en fait la demande, sous peine de la sanction évoquée ci-après. Le contrat de syndic doit préciser les modalités de cette communication qui peut s'effectuer par lettre recommandée avec accusé de réception ou toutes autres modalités.
En cas de vente d'un lot, la fiche synthétique est annexée à la promesse de vente ou, à défaut de promesse, à l'acte authentique, conformément à l'article L 721-2 du Code de la construction et de l'habitation et vient donc rejoindre la liste des documents dont la communication est obligatoire en cas de vente d'un lot ou d'une fraction de lot. Il convient enfin de considérer que l'obligation de communiquer la fiche synthétique à l'acquéreur incombe normalement au copropriétaire vendeur, tenu à une obligation d'information de l'acquéreur par application du droit commun de la vente.
Le décret précise que la fiche synthétique peut être extraite du registre national des copropriétés, en précisant la date de délivrance et la mention "fiche délivrée par le registre national des copropriétés sur la foi des déclarations effectuées par le représentant légal". A défaut, elle doit mentionner la daté de délivrance, être signée et comporter le cachet de celui qui la délivre.
IV - Les sanctions
L'importance accordée par le législateur à la fiche synthétique se manifeste au niveau des sanctions prévues par l'article 8-2 de la loi du 10 juillet 1965.
En ce qui concerne l'établissement de la fiche, l'article 8-2 alinéa 3 de la loi du 10 juillet 1965 édicte que le "défaut de réalisation de la fiche synthétique est un motif de révocation du syndic".
Si cette révocation n'a pas un caractère automatique et doit être soumise au vote des copropriétaires conformément aux dispositions de l'article 25, c, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, elle est légalement présumée être valablement motivée par la seule constatation du défaut de réalisation par le syndic de la fiche synthétique de la copropriété.
Dans l'éventualité où le syndic ou l'administrateur aurait été désigné par le président du tribunal de grande instance, la révocation serait alors prononcée par ordonnance rendue à la requête d'un ou plusieurs copropriétaires.
Par ailleurs, la loi ALUR prévoit que les contrats de syndic "prévoient obligatoirement une pénalité financière automatique à l'encontre du syndic chaque fois que celui-ci ne met pas la fiche synthétique à disposition d'un copropriétaire dans un délai de quinze jours à compter de la demande. Cette pénalité est déduite de la rémunération du syndic lors du dernier appel de charges de l'exercice".
Le décret n° 2015-342 du 26 mars 2015 définissant le contrat-type de syndic et son annexe 1 réserve un ainsi article à la fiche synthétique : "Le syndic met cette fiche à disposition des copropriétaires. Il la communique dans les quinze jours au copropriétaire qui en fait la demande par (préciser : lettre recommandée avec accusé de réception ou autres modalités). A défaut, il est tenu à la pénalité financière suivante : € par jour de retard".
Le syndic doit donc obligatoirement compléter le contrat en soumettant lui-même à l'assemblée une proposition de pénalité journalière, qui sera déduite de sa rémunération lors du dernier appel de charges de l'exercice. Il appartiendra aux copropriétaires d'apprécier si la sanction que propose le syndic de s'infliger à lui-même dans l'hypothèse où il n'est pas en mesure de respecter cette obligation légale relative à la communication de la fiche synthétique, est suffisante et sérieuse.
Cette sanction ayant vocation à être mise en œuvre de plein droit "chaque fois" que le syndic ne met pas la fiche synthétique à disposition d'un copropriétaire dans un délai de quinze jours à compter de la demande, doit, selon nous, être cumulée en cas de demandes successives et même concomitantes par plusieurs copropriétaires.
Outre ces sanctions prévues par la loi, le syndic sera également susceptible d'engager sa responsabilité civile en cas de non-respect des obligations instaurées par l'article 8-2 de la loi du 10 juillet 1965. En effet, la jurisprudence retient déjà depuis longtemps la responsabilité du syndic dans la fourniture inexacte ou tardive des renseignements nécessaires pour permettre au notaire d'établir l'acte de vente (CA Paris, 28 mars 1985 : Juris-Data n° 1985-022464).
Les nouvelles obligations relatives à la fiche synthétique doivent donc être remplies avec une attention particulière par les syndics et les administrateurs provisoires.