La prescription applicable aux travaux irréguliers réalisés par des copropriétaires en copropriété
A- Le délai d'action du syndicat
L'action du syndicat des copropriétaires tendant à la suppression des travaux non autorisés est une action personnelle et se prescrit en principe par dix ans (L. no 65-557, 10 juill. 1965, art. 42, al. 1er, JO 11 juill.).
Cependant, lorsque l'emprise réalisée sur les parties communes à jouissance privative est telle qu'elle s'apparente à une véritable appropriation de celles-ci, la prescription devient trentenaire conformément au droit commun car elle vise à protéger le droit de propriété (Cass. 3e civ., 17 mai 1995, no 93-14.872, Bull. civ. III, no 123).
Il s'agit donc de déterminer si l'action vise la suppression de travaux réalisés en violation du règlement de copropriété ou la libération d'une partie commune à la suite d'une emprise assimilable à une appropriation.
La notion de privatisation d'une partie commune paraît être le critère déterminant.
Voici quelques exemples de décisions qualifiant l'action de réelle et donc soumise à la prescription trentenaire :
- Civ. 3e, 12 Janvier 2010 - n° 09-11.514 : "ayant relevé que la dalle qui avait été percée faisant partie du gros œuvre, était bien une partie commune et qu'en la perçant la SCI Giuliano frères s'était livrée à un acte de propriétaire qui par l'effet de l'usucapion était de nature à transférer la propriété de cette partie commune en une partie privative, et retenu que l'action en remise de cette dalle en son état initial était une action réelle qui ne se prescrivait que par trente ans".
- Civ. 3e, 6 mai 2014 - n° 13-11.775 : un syndicat a engagé une action afin de demander la condamnation d'un copropriétaire à supprimer le matériel (compresseur) installé dans le vide sanitaire d'un supermarché. La cour de cassation estime qu'il s'agit d'une action réelle, car il s'agit de faire cesser l'appropriation d'une partie commune.
- Civ. 3e, 16 décembre 2014 - n°13-25.024 : l'action en rétablissement d'un lot en appartement ainsi qu'à la reconstruction d'un mur séparatif commun est une action réelle visant à mettre fin à l'appropriation du mur. L'originalité de cet arrêt réside dans le fait que la demande relative au changement de destination est englobée dans l'action réelle car elle est jugée indissociable des travaux réalisés.
- Civ. 3e, 8 octobre 2015 - n° 14-16.690 : "la demande de démolition d'une construction édifiée sur une partie commune, fut-elle réservée à la jouissance exclusive d'un copropriétaire, est une action réelle qui se prescrit par trente ans". La Cour d'appel d'Orléans avait déclaré l'action prescrite, estimant que la demande en démolition relevait d'une action personnelle, en violation du règlement de copropriété. La Cour de cassation casse cet arrêt au terme d'un attendu lapidaire.
B- Les effets de la prescription sur les travaux irréguliers
Une fois la prescription acquise, le syndicat des copropriétaires ne peut plus obtenir la remise en l’état antérieur. Pour autant, les effets de la prescription ne sont pas absolus.
Il faut tout d’abord envisager l’hypothèse d’une modification ultérieure de l’ouvrage concerné qui devra normalement faire l’objet d‘une autorisation de l’assemblée générale. A défaut, la modification de l'ouvrage ouvre à nouveau les délais d’action du syndicat.
Ainsi la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 24 septembre 2014 (Cass. 3ème Civ 24 septembre 2014, Pourvoi n° 13-12.751.Arrêt n° 1069) a approuvé la Cour d’appel qui, ayant relevé que les travaux réalisés par des copropriétaires avaient consisté dans la dépose de la véranda existante et la construction d'une nouvelle installation, a retenu « que la construction nouvelle ne pouvait bénéficier de la prescription acquise au titre de la précédente et a légalement justifié sa décision en ordonnant la démolition de la construction et la remise en état des lieux conformément au cahier des charges et plan d'origine ».
Dans une espèce caractéristique, la Cour d'appel d’Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence 19 juin 2014 1ère Chambre C No Répertoire général : 13/15495) a sanctionné les copropriétaires qui ont remplacé sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires une pergola formée de tubes métalliques par une pergola en bois plus massive reposant sur des fondations bétonnées qui n'existaient pas antérieurement. Les juges du fond ont retenu « Qu'en admettant même que la pergola initiale ait été installée depuis plus de dix ans, force est constater que la nouvelle, d'aspect et de composition totalement différents, ne peut être considérée comme le simple remplacement d'un ouvrage existant » (Voir en ce sens Cour d'appel de Versailles. 14ème Chambre No Répertoire général : 13/05742 26 mars 2014).
D’autre part, les travaux réalisés sans autorisation, peuvent toujours engager la responsabilité délictuelle de leur auteur sur le fondement du droit commun de la responsabilité. Ainsi, si des infiltrations ou des dégradations affectent les parties communes dont l’origine est liée à ces travaux, le syndicat des copropriétaires peut agir dans un délai de 5 ans à compter de l’apparition des dommages pour demander qu’il y soit remédié et d’en supporter les conséquences.